René PERROCHON est né au Havre en 1920, (son père pendant la guerre de 14-18 a passé 4 ans comme prisonnier en Allemagne) ; sa famille vivant au 27 rue de l’Alma.
Son père est employé à la Compagnie Générale Transatlantique, son épouse Rosette est femme au foyer. René est qualifié de « très à gauche politiquement » et fait partie dés 1941 d’un réseau de Résistants havrais travaillant pour les services de renseignements anglais (1). Il est fiancé à Denise Coquin dont je parlerai plus tard.
Il se joint au groupe l’Heure H. en 1943 lors de sa reconstitution, avec son groupe. Il est un ami de toujours de Roger DOCAIGNE qui est né dans la rue de l’Alma où il demeure. Ensemble ils pratiquent le scoutisme, ensemble ils vont enseigner à Eu, ensemble ils vont partir dans la zone sud avec Jean NOYE pour essayer de passer en Afrique du nord afin de rejoindre les Forces Française Libres qui y ont débarqué, ensemble ils tenteront et échoueront à rejoindre l’Angleterre, et enfin ils se retrouveront à un jour d’intervalle dans le maquis de Tréminis, les 11 et 12 août 1943.
Né en 1920 René PERROCHON aurait du être envoyé au STO, et il n’a pas voulu travailler contre sa patrie.
Denise DOCAIGNE, née Coquin en parle ainsi :
« J’ai rencontré René Perrochon en 1939 au tout début de la guerre. Nous fréquentions tous deux la bibliothèque municipale, et les manières simples de ce garçon blond aux yeux bleus m’avaient plu d’emblée. Notre goût commun pour la lecture, un certain esprit d’indépendance, l’amour de la mer, nous ont rapprochés et nous n’avons pas tardé à nous fiancer. J’appréciais chez lui un sens aigu des valeurs humaines et son intérêt pour les causes généreuses, sans aucun sectarisme. Très tôt attiré par la politique, il s’était intéressé à la guerre d’Espagne. Un voyage à la Martinique l’avait sensibilisé au problème noir, et il avait conservé des amis antillais. La compagnie de gens différents stimulait son côté imaginatif et naturellement gai.
Sa spontanéité se teintait cependant parfois de timidité et ne l’empêchait pas de conserver son esprit critique. Aussi ne donnait-il son amitié qu’avec discernement, son côté réfléchi l’emportant toujours sur quelques tendances fantaisistes.
En 1940 il m’a rejointe à Clermont-Ferrand ou j’étais réfugiée avec ma famille…René était plein de curiosité et toujours prêt à approfondir ses connaissances. Il aimait aussi la nature…
Le retour au Havre nous à fait reprendre pieds avec une réalité plus dure, l’occupation y ayant été sévère dés le début et les bombardements très meurtriers. »
Lors de l’attaque du maquis de Tréminis, il est en train de s’occuper de sa responsabilité d’intendant, et le traître Meuzart le désigne aux nazis. Il est donc un des premiers arrêtés, non pas les armes à la main comme d’aucun l’ont écrit, mais alors qu’il cuit du pain dans le four qu’une courageuse habitante du village, madame Mélanie Bard, à mis à la disposition des maquisards. Etant donné le faible nombre d’armes, les maquisards ne les prenaient pas avec eux pour cuire du pain.
Malmené il est emprisonné, puis envoyé au camp de Compiègne-Royallieu en attente d’une déportation, mais finalement avec ses camarades arrêtés en même temps que lui il est ramené à Lyon, jugé et condamné à Mort le 26 novembre 1943, puis fusillé à la Doua prés de Villeurbanne le 23 décembre 1943.
René PERROCHON écrira une magnifique dernière lettre à ses parents, sa soeur et sa fiancée le matin même ou il devait tomber pour la France sous les balles des assassins nazis. Une copie de cette lettre figure à l’exposition « les visages des martyrs », à Franklin, au premier étage. J’en extrais ici quelques lignes, non sans vous dire avant que lors de la cérémonie qui eut lieu le 30 septembre 1945, « le Dauphiné Libéré », journal de la région Rhone-Alpes bien connu reprenait en gros titre pour d’un article « Lyon honore les 78 fusillés de la Doua » une phrase
de René PERROCHON :
« Je meurs sans haine et sans crainte », écrivait l’un des héros avant son martyre ».
Lors de la cérémonie les cercueils contenant les corps des 78 fusillés furent alignés selon le dessin d’une croix de Lorraine.
René PERROCHON a été décoré de la Médaille de la Résistance et de la Légion d’Honneur à titre posthume, avec le grade de Lieutenant.
Extraits de la Lettre de René Perrochon :
« Mes chers parents, Denise chérie,
Je sais que cette lettre va vous causer une immense douleur et je veux seulement faire tous mes efforts pour l’atténuer. Je vais être fusillé dans une heure et mon seul sentiment est pour vous qui restez. ? Je vous ai écrit alors que je me leurrai d’un faux espoir, que la meilleure place était la mienne. Maintenant plus que
jamais c’est vrai. J’aurai eu le sort normal d’un garçon de mon âge et mon mérite a été de ne pas profiter des circonstances pour l’éviter. Ma mort sera utile, j’en suis persuadé, plus que ne l’aurait été ma vie que je vivais si légèrement. Utile à la patrie et avant tout à vous. Vous m’avez sacrifié toute votre vie dés ma naissance, et toi Denise tes plus belles années….Je ne peux
vous en marquer ma reconnaissance qu’en vous suppliant d’en tirer profit pour une vieillesse plus douce. Vous devrez être plus fiers que douloureux d’avoir donné votre fils pour le salut de la France. Denise qui a toute ta vie devant toi, vie que je n’aurai pas su ou voulu embellir, l ne faut garder de moi qu’un souvenir très doux et surtout vivre….Quoi que tu fasses je te connais assez pour t’approuver aveuglement , tu n’as comme devoir, comme papa, maman et Annette qu’un devoir envers moi : être heureuse. Je ne veux pas que vous portiez le deuil. Je suis en ce moment d’un calme et d’une sérénité dont vous ne pouvez pas vous faire une idée. J’ai toujours été traité en soldat par de soldats.
Je suis sans haine et sans crainte, et si je pouvais avoir l’assurance que vous respectiez ma dernière volonté : soyez heureux de ce que j’ai librement choisi, je serai sans tristesse... une dernière pensée me serait douce….
Denise n’a pratiquement plus de famille, vous plus de fils, je voudrais que Denise trouve en vous une vraie famille et en Annette une soeur, et vous un enfant plus digne de vos sacrifices que je ne l’ai été. Aimez vous et surtout ne me pleurez pas, tous quatre vous devez être heureux, et c’est cette espérance qui me fait ne pas craindre la mort….Je veux vous savoir sans tristesse ».
Comme beaucoup, de héros de la Résistance, au moment suprême ce n’est pas son sort qui le préoccupe, mais celui des autres.
Ses parents et sa soeur honoreront jusqu’à leurs derniers jours, magnifiquement et sans restriction cette demande et avec la gentillesse digne de celle de René PERROCHON.
Ils accueillirent, comme leurs propres petits-enfants les enfants de Denise, qui n’apprirent qu’assez tardivement pourquoi leur grands-parents s’appelaient Perrochon alors que leur mère avait Coquin comme nom de jeune fille.
1 - Son nom est indiqué dans une note de Roger Mayer sur l'organisation du Groupe Morpain