Jean NOYE, 16 ans au début de la guerre

Six Havrais au maquis dans les Alpes, Thierry Docaigne

On trouve sa trace dans « le maquis de Tréminis » et dans « la vie inimitable ».

Jean NOYE (Noyé) est né au Havre dans une famille de négociants en café qu’il décrit comme « catholique très nationaliste et patriote, légèrement teinté d’antisémitisme, séquelle de l’affaire Dreyfus (dont je ne connais pas grand-chose…), la défaite m’avait profondément affecté, tant dans mes sentiments que dans mon amour-propre. »

 

"Il a vingt ans en 1943, et est résistant dans sa ville natale avant de rejoindre le maquis de Treminis dans l’Isère le 11 août 1943. Il est ensuite de ceux qui rejoignent le maquis de Malleval vers Grenoble à la fin décembre. Par suite d’une erreur (administrative) il n’est pas rappelé lorsque s’effectue le ralliement au maquis Thivollet, et poursuivra son activité de résistant à Paris avant de s’intégrer à un groupe franc de la Vienne», peut-on lire dans « la vie inimitable ».

 

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Revenu chez lui en Août 40, après l’exode, il s’engage dans la défense passive comme secouriste et avec un camarade il visite des lieux abandonnés par l’armée anglaise mais pas encore inventoriés par les Allemands et avec lui récupère quelques armes et munitions qu’ils camouflent. Ensuite il déconnecte des jonctions de câbles téléphoniques de l’occupant et conclue : « c’est ainsi que nous avons commencé ».

Il récupère alors avec son camarade, sur un terrain de sports un stock d’explosifs abandonnés, et ils vont les mettre à disposition d’autres personnes organisées.

Selon Denise DOCAIGNE, ce stock est ensuite mis à l’abri dans des jardins, dans un caveau du cimetière et dans un garage à bateau appartenant à Pierre LETOURNEUR, qui décédera dans l’incendie du Guillaume Tell (Hôtel-restaurant) lors des terribles bombardements de septembre 1944.

Avec la reprise des bombardements cette fois par les Anglais, il participe à l’action de la défense passive reconstituée, ce qui lui permet d’obtenir un laisser passer qui lui permettra de circuler dans la ville, même la nuit.

 

Pendant l’hiver 1942/1943, il est réquisitionné sur place par les Allemands pour suivre un stage d’ajusteur, en vue d’un départ en Allemagne.

En juin 1943 il prend la route avec René PERROCHON et Roger DOCAIGNE, afin de se rendre dans le sud et de tenter un passage pour rejoindre les Forces Françaises Libres en Algérie. Le réseau avec lequel ils avaient un contact ayant été démantelé par la police Italienne, il survit tant bien que avec PERROCHON  dans la région de Nice, tandis que DOCAIGNE,  à jour de ses obligations militaires et donc

non visé par le STO,  rentre au Havre.

Ils trouvent un contact avec un membre du « Service Maquis Prevost », qui les achemine sur Grenoble, puis au Maquis de Treminis, où ils seront rejoints rapidement par DOCAIGNE.

Ils arrivent au camp de Treminis le 11 août et Docaigne le 12. Ils construisent une cabane pour s’abriter en altitude, charriant sur leurs dos les pièces de bois pour construire ce bâtiment dans une zone isolée. Ils sont environ vingt-cinq et

avec l’aide précieuse des habitants ils arrivent à s’organiser pour se nourrir et constituer quelques réserves.

Des tours de garde sont organisés. L’entrainement militaire commence malgré la faiblesse de l’armement, qui était le suivant : un revolver modèle 1892, une mitraillette suisse Bergman avec un seul chargeur, cinq grenades, un fusil

mitrailleur modèle 24/29 avec deux chargeurs, donc cinquante cartouches, un fusil italien Treni avec quelques chargeurs, deux pistolets automatiques.

En prévision d’un hiver rude les maquisards décident d’aller se fournir en matériel dans un « Chantier de jeunesse » du cru à Chichilianne, où ils s’équipent sur le compte de cette organisation pétainiste où on emploie des jeunes hommes afin de ne pas les perdre de vue pour les avoir à disposition pour devenir plus tard les laquais des nazis et de leurs collabos. L’affaire est rondement menée et permet un premier équipement, mais qui sera malgré tout perdu lors de l’attaque du maquis par les troupes allemandes, le 23 octobre 1943.

 

Dans « la vie inimitable », il est rappelé que « les chantiers de jeunesse avaient été  créés durant l’été 1940 par des officiers mis à pieds par l’armistice qui veulent donner un encadrement et une formation de type paramilitaire à des

jeunes à la place du service militaire qui a été aboli. L’organisation est officialisée en janvier 1941 : les jeunes de la zone sud administrée par le gouvernement de Vichy feront un service de huit mois obligatoire sur les chantiers où ils effectueront des tâches d’intérêt général hors des villes. Le régime de Vichy compte sur ces mouvements d’un apolitisme conservateur et à l’esprit mi-scout, mi-militaire, pour régénérer la nation et inculquer à la jeunesse les valeurs de la Révolution nationale…à partir du printemps 1943 le recrutement se tarit du fait de l’envoi des jeunes au STO et de l’essor des maquis ; en janvier 1944 ils sont supprimés. »

 

L’attaque allemande ne fut possible qu’à cause de la trahison d’un agent de la Gestapo, infiltré au maquis. Le nommé Meuzart, avait réussi à se faire engager au maquis. Peu de temps après il tentait de déserter en entraînant deux autres jeunes. Prévenus, les cadres du maquis l’interceptent avec les deux jeunes qu’il avait entraînés. Après une discussion il est décidé de ne pas l’exécuter, car il prétexte le besoin d’un examen médical qui ne peut se faire que hors du maquis.

Les maquisards ne sont pas des assassins de sang froid. Ils finissent par accepter de l’accompagner pour des soins à Grenoble. Les deux autres rentrent dans le rang et ne poseront plus de problèmes. A Grenoble le traitre Meuzart fausse compagnie à son accompagnateur et se rend auprès de ses chefs à la Gestapo.

La première attaque d’un maquis en France par les Allemands va avoir lieu : le 19 octobre, Meuzart guide les Allemands dans le village, il y dénonce tous ceux qui ont aidé le maquis. Il en résultera la destruction de celui-ci, la mort immédiate d’un maquisard, la capture de plusieurs autres dont le havrais René PERROCHON , qui comme quatre autres sera fusillé et de nombreux habitants sympathisants du maquis connaîtront la déportation.

A la Libération, Meuzart sera condamné aux travaux forcés à perpétuité, mais sera relâché ensuite quelques années plus tard, avant la fin de sa peine.

Lors de l’attaque, les dispositions prises pour assurer la fuite éventuelle des maquisards sont appliquées, et plus de la moitié de l’effectif, vingt hommes, passe entre les mailles du filet tendu par plusieurs centaines d’hommes (on parle

de huit cent). Ainsi protégés par les quelques armes qu’ils possédaient, des maquisards purent, courant la montagne et se cachant, s’échapper de la souricière, en faisant étape dans des cabanes et des bergeries.

Repliés à Cordéac, ayant perdu leurs équipements dans l’attaque de leur camp de Tréminis, une seconde opération nocturne est organisée à Saint Etienne en Dévoluy le 11 novembre 1943, pour y soustraire dans cet autre camp du matériel. Pendant que des gars du maquis chargeaient un camion, Jean NOYE était chargé de surveiller dans une pièce des cadres du Chantier de jeunesse, pistolet en main afin qu’ils ne soient pas tentés de s’y opposer. Quelques mois

plus tard à la gare Saint Lazare, alors qu’il partait pour quelques jours de permission au Havre, Jean NOYE est abordé par un homme qui lui demande s’il se souvient de lui. Devant sa réponse négative celui-ci lui fait savoir qu’il était

« il y a trois mois à St Etienne en Dévoluy »… ils en restèrent là et Jean Noyé eut vite fait de disparaître.