Denise DOCAIGNE, née Coquin, 17 ans au début de la guerre

Six Havrais au maquis dans les Alpes, Thierry Docaigne

Née au Havre le 24 mai 1922, dans une famille de la petite bourgeoisie havraise. 

Elle perd son père, radio sur les bateaux, et sa mère ouvre un commerce rue Thiers spécialisé dans le bricolage à l’enseigne du « Petit travailleur ».

Elle est lycéenne quand survient la guerre et avec sa famille part pour l’exode à Clermont-Ferrand, puis revient au Havre et se joint au réseau de Monsieur Morpain où elle se spécialise dans la contrefaçon de papiers.

Lors de la destruction de ce réseau par les nazis, âgée de 19 ans elle est arrêtée et suit en prison Jacques HAMON, très jeune aussi, d’abord à la prison du Havre rue Lesueur, et ensuite à la prison de la Santé à Paris, le 6 juin. Comme Jacques Hamon, elle est acquittée et relâchée.

Elle en profite pour s’éloigner du Havre et rejoindre en région parisienne la famille de son fiancé René PERROCHON.

Elle revient ensuite au Havre et contribue à la reprise de la lutte contre les nazis avec le réseau partiellement reconstitué l’Heure H.

En 1943 ce réseau que Jacques Hamon avait promis à son responsable historique Gérard MORPAIN de remonter, juste avant que ce dernier ne soit fusillé au Mont Valérien en 1941, voit augmenter ses effectifs par la fusion de plusieurs petits groupes autonomes, sous le commandement de Roger MAYER, puis de Raymond GUENOT.

Raymond Guénot est arrêté en avril 1943 et fusillé. En 1944 c’est l’arrestation de Roger Mayer (qui reviendra de déportation) avec plusieurs autres responsables, ce  qui met à mal le réseau.

Suite à ces nouvelles arrestations dues à la saisie de listes chez un garagiste de Rouen, Denise COQUIN  est recherchée et rejoint la zone des maquis où elle connaît Roger DOCAIGNE, ami de PEROCHON.

Elle est incorporée en qualité d’agent de liaison, tâche souvent dévolue aux femmes, et y joue un rôle efficace.

Elle fait parfois la route du Havre à la Maurienne, et a la chance le six juin 1944 d’aller avec d’autres jeunes du Havre, sur les hauteurs de la ville d’où elle peut apercevoir les lueurs des combats du débarquement et entendre la canonnade.

Lors d’un de ses déplacements en auto ou camion stop, aux alentour du quinze août alors qu’elle est à l’obélisque de Fontainebleau, elle voit avec étonnement des soldats du Reich vider par terre des stocks de carburants. Elle se demande pourquoi quand un soldat lui explique «Nichts Normandie, alles Kapput » qui se traduit par « pas la Normandie, tous foutus » ;  en fait ils faisaient tout pour ne

pas y aller. Imaginons la satisfaction d’une résistante devant cette scène.

Lors de la période de la libération de la Maurienne, à Saint Jean, le 1er septembre, alors qu’elle effectue une mission avec Roger DOCAIGNE, alias « Girardin » et un agent de liaison, Robert DUVERNEY, (qui faisait partie d’un

groupe de quatre agents de liaison surnommés les quatre mousquetaires), Roger Docaigne lui dit « arrête toi, et lace tes chaussures, c’est un ordre ».

Comme le lieutenant « Girardin » n’était pas homme à plaisanter elle exécute l’ordre. « Girardin » qui avait vu un barrage allemand continue tranquillement son chemin avec Robert DUVERNEY,  sachant qu’il lui était impossible de fuir sans alerter les hitlériens. En effet ils sont faits prisonnier malgré leurs papiers d’identité « en règle », c'est-à-dire parfaitement imités. Les nazis qui depuis quelques jours refluent dans la vallée de la Maurienne sous les coups des maquis de Savoie et tentent de fuir vers l’Italie, vont les enfermer comme otages avec plus d’une vingtaine d’autres personnes. Selon Henri Arzeau, dans « la lutte pour les Alpes », les otages « ramassés au hasard dans l’avenue de la gare et sur la place de la cathédrale furent enfermés à la caserne Ferrié ».

Par chance ils ne furent pas identifiés. Denise COQUIN à échappé au pire. Le lendemain elle cherche à entrer en contact avec les deux maquisards et, alors qu’elle approche de leur lieu de détention, elle entend un soldat Allemand qui la désigne aux autres en disant : « Die frau, die frau !! » « La femme, la femme ».

Manifestement ce soldat l’a reconnue pour l’avoir vu la veille avec les deux captifs. Comme elle avait déjà passé une partie de sa jeunesse dans les prisons du régime nazi, et qu’elle comprenait de quoi il était question, elle s’enfuit à toute jambe, échappe de justesse à une rafale d’arme automatique, courre sur un mur et fini par entrer dans un salon de coiffure, ou elle se fait teindre en brune, elle qui était une rousse flamboyante, trop reconnaissable.

Elle en ressort dira-telle « les cheveux encore dégoulinants de teinture » et termine sa mission en allant rendre compte. Elle sera citée à l’ordre de la Brigade par le Colonel DESCOUR et recevra la croix de guerre pour cette action.

 

Le lendemain, grâce au maire de Saint Jean de Maurienne, à la pression des maquis, et au besoin de fuir des troupes nazies, les otages seront relâchés par l’initiative courageuse du Maire de la ville, le commandant FODERE, et donc avec eux l’agent de liaison Robert DUVERNEY et un des chefs de la résistance locale, le lieutenant Girardin qui comme on le verra, donne aussitôt l’ordre aux maquisards de mettre fin à une trêve de reprendre les tirs sur les troupes d’occupation en déroute et conduira les trois compagnies du Bataillon de l’AS Saint-Jean au combat pour la Libération de Modane. Lorsque les nazis reviendront pour fusiller les otages, ou pour s’en servir de boucliers humains, ils trouveront les portes ouvertes, nous dit Rosine Perrier dans son livre « j’appartiens au silence ».