FEAT Roger (1922-1975) FNFL                          Service du Chiffre FNFL

Nos remerciements à Claude Zylbersztejn.

Mis à jour le 10 Mai 2019

SH Marine

 

Roger FEAT, né au Havre le 22 octobre 1922, demeurait avec ses parents 89 rue des Sauveteurs. Il suit sa scolarité au Lycée François 1er de 1932 à 1940 et obtient son Baccalauréat de philosophie. Malgré les conseils de son père qui désirait qu’il continue ses études en vue de l’obtention du diplôme de la licence en droit et de son entrée à l’école du Commissariat à la Marine, il s’évade le 18 juin 1940 de Plougasnou (Finistère) avec trois autres havrais (Etienne LOUSSOT, Aurélien LEMAITRE et Pierre CAZOULAT.), à bord de l’embarcation de Yves Corre, L’Oiseau de la tempête, et ils débarquent à Fowey en Angleterre.

 

Il rallie la France Libre le 1er juillet 1940, à 18 ans moins trois mois, et est admis à suivre les cours de l’Ecole navale sur le cuirassé Courbet jusqu’en février 1941. Grâce à sa connaissance de la langue anglaise et un stage à Harrow, il est dès le début utilisé comme interprète et obtient, sur les conseils de ses chefs, de quitter l’Ecole navale pour intégrer l’école des ORIC (Officier de réserve interprète et du chiffre).  

Désireux d’être à la hauteur de sa spécialité, il avait entamé des études personnelles de Chiffre. En février 1941, il est envoyé à Skegness pour parfaire son instruction militaire et obtient le 1er avril le grade de maître aspirant officier interprète et du chiffre. Il est affecté quelques jours plus tard à l’Etat Major de Londres (4e bureau). Le Capitaine de vaisseau Moullec dit Moret, alors chef d’Etat-major, souhaitait créer un service du Chiffre FNFL, et envoie Roger FEAT en stage au service du Chiffre à Carlton Gardens. En Août 1941, au prix de grandes difficultés matérielles, Roger FEAT et un autre officier s’emploient à la création du Chiffre FNFL selon le souhait du Commandant Moullec.

 

Le 15 janvier 1942, Roger FEAT est nommé OIC de 3e classe.

L’Amiral Emile Muselier ést alors commandant des Forces Navales Françaises Libres. Après la défaite, Emile Muselier avait été le premier officier général à répondre à l’Appel du 18 juin, et avait été nommé par le général de Gaulle commandant des forces maritimes françaises.  

Le créateur et chef des FNFL est fait Compagnon de la Libération en août 1941.  Cependant, il s’oppose très rapidement au général dont il critique très fortement les « fautes » militaires, politiques, diplomatiques et le manque d’organisation (1) … Nommé commissaire de la Marine, il mène le ralliement de Saint Pierre et Miquelon en décembre 1941, tout en reprochant au général une « décision dictatoriale » et il offre ensuite en février 1942 sa démission de commissaire national.

 

Amiral Emile Muselier  Crédit photo : Ordre de la Libération 

Nous sommes en mars 1942. A cette époque, selon une note manuscrite figurant au dossier d’archives, Roger FEAT a connaissance, pour les avoir chiffrés lui-même, de télégrammes échangés entre l’Amiral Muselier et le C.V. Moret faisant état du projet de création d’une marine « indépendante du mouvement de Gaulle. Le mouvement comprenait un certain nombre d’officiers commandants des unités qui auraient été rattachés à cette marine dissidente ».

Par loyauté vis-à-vis du général de Gaulle, Roger FEAT révèla le contenu de ces messages au C.V Ortoli qui les fit remonter au Général…

 

La note indique qu’il « a évidemment manqué à son devoir hiérarchique mais il a considéré que dans un cas aussi grave, son initiative correspondait mieux à un idéal qu’une obéissance aveugle à des chefs indignes de la confiance du général de Gaulle, ces chefs étaient prêts pour satisfaire leur ambition personnelle, à sacrifier le mouvement de la France combattante ».

En mai 1942, l’Amiral Muselier devait cesser toute participation à la France Libre et fut admis à la retraite d’office. Le 22 mai, Roger FEAT faisait l’objet d’une sanction disciplinaire de 15 jours d’arrêt pour « faute grave dans l’exercice de son service d’officier du Chiffre ».

 Le 30 mai, il est désigné pour la Marine Pacifique (Nouvelle Calédonie), aux ordres du haut-commissaire de la France Libre, mais il ne semble pas avoir eu le temps de rejoindre cette affectation.

 

Philippe Auboyneau. crédit photo Parcours de vie dans la Royale

En effet, le contre-amiral Auboyneau, nommé au commandement des Forces Navales Françaises Libres à la suite de l’Amiral Muselier, le fit convoquer à Londres et lui demanda de reprendre son service au Chiffre FNFL à Portsmouth. Ce qu’il accepta, « sans grand enthousiasme du fait que certains membres de la dissidence étaient encore présents ».

 

Le 1er juin 1943, Roger FEAT était versé dans le corps d’Officiers Interprètes et du chiffre d’ORIC de 3e classe, à titre définitif. 

Les péripéties de son parcours auraient dû s’arrêter là. Mais ce ne fut pas le cas : un mois plus tard, le 27 juillet 1943, Roger FEAT, chef de bureau du chiffre, reçoit une note l’informant que son incorporation en qualité d’élève officier de réserve interprète et du chiffre était…. annulée et qu’il était incorporé dans les FNFL en qualité de matelot de 2e classe à compter du 1er juillet 1940, date de son engagement. Cette décision étant assortie d’une commission provisoire d’OASSEM (officiers assimilés spéciaux secrétaires d’état-majors).

 

« Les conséquences en sont pour moi d’une telle gravité que j’ai l’honneur de demander que ma situation militaire fasse l’objet d’un nouvel examen par l’autorité supérieure » écrit Roger FEAT dans un long courrier adressé de Londres le 19 août au lieutenant de vaisseau chef de « EM. Trans ».

 

Il poursuit : « Je pense avoir prouvé ne serait-ce que par la création du Chiffre, qu’il n’est pas nécessaire d’avoir 25 ans pour être officier, ni pour diriger un service central du Chiffre comme je l’ai fait pendant plusieurs mois. (…)

C’est donc en application des textes qui me concernent que comme matelot sans spécialité au retour en France, je me présenterai devant mon père après avoir malgré ses avis abandonné mes études pour venir en Angleterre continuer la lutte…

 

Je vous laisse Capitaine, juger ma situation, mais je tiens à préciser que je ne peux accepter la responsabilité du Bureau du Chiffre dans de telles conditions, et que si j’ai démérité comme semblent le prouver les décisions prises à mon égard, et maintenant connues de tous, je sois relevé de mes fonctions. »

Le 7 novembre, une note signée du capitaine de vaisseau Robert comporte les appréciations suivantes : « Aptitude exceptionnelle, autorité, sens de l’organisation, connaissances techniques tout à fait remarquables, bien au-dessus de son âge et de son grade. Officier hors pair qu’il est indispensable (et strictement juste) de replacer dans le corps des Officiers Interprètes du Chiffre (…) et de le faire avancer au grade de 2e classe ».

 

 

Amiral Thierry d'Argenlieu. Crédit photo : Ordre de la Libération

 

Le 15 novembre 1943, le contre-amiral Thierry d’Argenlieu, commandant les Forces Navales en Angleterre, adresse un courrier au chef d’état-major adjoint lui demandant de revoir d’urgence la question du maintien de certains marins dans les cadres des officiers « si l’on veut éviter un malaise dans les meilleurs éléments de nos officiers » (…)

« Le fond, écrit-il, est entièrement sacrifié à des préoccupations de forme qui aboutissent à ignorer complètement les sacrifices faits par des Français qui ont voulu continuer la lutte et les services qu’ils ont rendus. Services d’autant plus importants que ces jeunes Français sont venus spontanément combler les vides créés par la défection d’autres Français probablement plus riches en diplômes qu’en dévouement à la Patrie. Et les voici pénalisés après qu’on a largement usé de leurs capacités et d leur abnégation.

C’est en effet leur ralliement à la France Combattante de la première heure qui les a empêchés de poursuivre avec succès, les études au bout desquelles serait venu le « diplôme ». Qu’ils n’aient pas supputé les inconvénients futurs qui leur viendraient de leur jeunesse, est au contraire un titre d’honneur ».

 

 

Détaché à la sécurité militaire en Juin 1944 jusqu’en juillet 1945. Il est démobilisé le 17 juillet 1945, avec le grade d’ORIC de 2e classe et devient administrateur de sociétés. 

 

Roger FEAT SH Marine

Roger FEAT est décédé le 27 mars 1975 à St Jean Cap Ferrat (Alpes Maritimes).

 

Il était Chevalier de la Légion d'honneur (1951), titulaire de la croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation.

 

(1)   Dictionnaire de la France Libre sous la direction de François Broche

 

Avec nos plus vifs remerciements à Claude Zylbersztejn qui nous a communiqué les pièces d’archives du dossier Marine de  Roger FEAT.

En 2019, Claude Zylbersztejn et le groupe de travail de Plougasnou (29), avec le soutien de la municipalité, oeuvrent pour un chemin de mémoire pour ceux qui sont partis de Plougasnou pour rejoindre la France Libre. La citation pour la médaille de la Résistance attribuée à Plougasnou donne 350 partants. 

Ressources

 

Dossier Résistant au SHD de Vincennes (non consulté). Cote GR 16 P 219562

 

Dossier Marine Marine MV CC7 4e Moderne 2912-4 (via Claude Zylbersztenj)

 

Référence du dossier pour la Légion d'Honneur LIEN

 

Les départs de Plougasnou LIEN